Conduite sous l'influence de drogues 

La conduite d’un véhicule requiert un certain nombre d’aptitudes cognitives et psychomotrices complexes. Attendu que les drogues psychoactives influent sur l’état psychologique général (et donc sur les aptitudes cognitives et psychomotrices) du consommateur. La conduite sous l’influence de drogues psychoactives a aussi des répercussions désastreuses sur l’aptitude à la conduite du conducteur (Marillier & Verstraete, 2019). Cela entraîne un risque accru d’accidents de la route et constitue une menace pour la sécurité routière (Elvik, 2013).

Faits marquants

  • L’effet des drogues sur l’aptitude à la conduite est déterminé par différents facteurs, parmi lesquels le type de substance, la dose, l’expérience du consommateur avec la substance et la combinaison avec d’autres substances psychoactives.
  • La prise d’amphétamines accroît le plus le risque d’avoir un accident de la circulation, elle est suivie par la consommation d’opiacés, de cocaïne et de cannabis. La combinaison drogues-alcool et plusieurs types de drogues combinés font grimper encore davantage le risque d’accident.
  • Le cannabis est globalement la drogue la plus consommée chez les conducteurs.
  • Chez les jeunes, la conduite sous l’influence de drogues semble plus fréquente que la conduite sous l’influence de l’alcool.

Quel est l’impact des drogues illicites sur la sécurité routière ?

Les drogues psychoactives peuvent êtres sous-divisées en drogues légales, drogues illicites et drogues médicinales. La différence entre les drogues illicites et les drogues médicinales ne se caractérise pas par la composition de la substance, mais par le contexte dans lequel elles sont consommées. Les drogues illicites sont généralement consommées dans un contexte récréatif. Les drogues médicinales, en revanche, sont en principe consommées sur ordonnance du médecin dans le cadre d'un traitement médical (par exemple le Savitex pour la sclérose en plaques et les opiacés chez les patients souffrant de douleurs). La colle et le gaz hilarant sont des exemples de drogues légales qui ne sont pas utilisées dans un contexte médical. Dans ce qui suit, le terme « drogues » fait référence aux drogues illicites. L'alcool et les drogues médicinales (médicaments) n'entrent pas dans le cadre de ce briefing.

L'effet des drogues sur l'aptitude à la conduite et le risque d'accident dépend de plusieurs facteurs, notamment du type de substance, de la quantité de la substance consommée, de l'expérience du consommateur avec la substance, de la façon dont la substance est ingérée et de la combinaison avec d'autres substances psychoactives. La consommation de drogues peut affecter l'attention, le traitement de l'information, l'évaluation, la perception, les aptitudes motrices, la vigilance, le comportement à risque et l'impulsivité. Elle peut ainsi entraîner un comportement routier imprudent et engendrer des accidents de la circulation. (Marillier & Verstraete, 2019).

L’impact des drogues sur l’aptitude à la conduite peut être étudié à l’aide d’études expérimentales. Dans ce cadre, différentes doses d’une drogue déterminée sont administrées à des volontaires. Ensuite, l’effet sur leurs prestations de conduite est mesuré et comparé à une condition de contrôle (Marillier & Verstraete, 2019). Les effets des drogues sur l’aptitude à la conduite peuvent être cartographiés par le biais de tests cognitifs et psychomoteurs. Les tests cognitifs évaluent différentes fonctions cognitives parmi lesquelles l’attention, la mémoire et la vigilance. Les tests psychomoteurs vérifient les mouvements du corps en réaction à certains stimulants comme la coordination motrice et le temps de réaction. L'une des limites de ces études est que la quantité de drogue administrée est généralement inférieure à celle consommée par les consommateurs de drogues dans les situations quotidiennes.  (Strand et al., 2016). Les effets des drogues sur les prestations de conduite peuvent aussi être mesurés à l’aide de tests sur simulateur de conduite et de tests de conduite « en situation réelle », ‘real’ driving test (Verstraete et al., 2014). Dans le cadre d'un test de simulation de conduite, les sujets effectuent un trajet en voiture via ordinateur. L'un des principaux avantages de ce système est que les tests sur simulateur de conduite sont standardisés, ce qui permet une comparaison objective entre les participants. L'un des inconvénients des tests sur

simulateur de conduite est qu'ils ne permettent pas de simuler entièrement la conduite réelle. (Helland et al., 2016). Un test de conduite en situation réelle est réalisé sur la voie publique dans une situation de trafic normale. De la sorte, la vitesse et les écarts de position latérale (« zigzag ») sur la route peuvent également être mesurés. Le maintien de la même position sur la voie publique (écart-type de la position latérale) est une mesure stable et souvent utilisée pour l'aptitude à la conduite. (Verster & Roth, 2011).

Les études épidémiologiques comparent la prévalence (l'importance) de la consommation de drogues dans la population générale de conducteurs avec la prévalence de la consommation de drogues chez les conducteurs blessés admis à l'hôpital. Il est ainsi possible de calculer s'il existe ou non un risque accru d'accident après la consommation de drogues. Il est également possible d’évaluer le degré d'augmentation du risque lors d'un accident (Marillier & Verstraete, 2019). 

Cannabis

Effet sur l’aptitude à la conduit


Le THC (Tétrahydrocannabinol) est le principal composant actif du cannabis et a globalement un effet relaxant. Le cannabis agit sur les différentes fonctions cognitives et psychomotrices telles que le temps de réaction, l’attention partagée, l’équilibre, la coordination, la mémoire à court terme et la perception (Penning et al., 2012; Ramaekers, 2018). Il est souvent étudié dans les recherches expérimentales si le conducteur « zigzague » ou non. Il en ressort que la variabilité au niveau de la position latérale sur la route ainsi qu’au niveau de la vitesse augmente après la consommation de cannabis (Lenné et al., 2010). Dans ce cadre il est important de souligner que les consommateurs sont généralement conscients des effets négatifs du cannabis sur leurs prestations au volant. Les consommateurs de cannabis essaient de compenser ces effets , notamment en roulant plus lentement et en augmentant la distance les séparant du véhicule les précédant (Hartman et al., 2016). Il est plus facile de compenser les effets négatifs lors de gestes de roulage automatiques telles que le freinage et la conduite que pendant les tâches plus complexes qui exigent un contrôle plus conscient comme une réaction appropriée face à un événement inattendu (Sewell et al., 2009).

L’impact du cannabis sur l’aptitude à la conduite est le plus important la première heure suivant sa prise. L’effet négatif diminue à partir de deux heures et jusqu’à quatre heures après sa consommation (Hartman & Huestis, 2013). En cas de consommation fréquente de cannabis, on ignore si la tolérance entre en jeu. D’un côté, plusieurs études montrent que sa consommation impacte davantage l’aptitude à la conduite des consommateurs occasionnels que celle des consommateurs fréquents (Desrosiers et al., 2015; Ramaekers et al., 2009). D’un autre côté, une autre étude a révélé qu’il n’y avait aucun lien entre l’expérience concernant la consommation de cannabis et les prestations de conduite. L'effet aigu du cannabis sur les fonctions neurocognitives, telles que le contrôle des impulsions et de l'attention, est similaire chez les consommateurs occasionnels et fréquents. (Ramaekers et al., 2016). La consommation chronique de cannabis peut en outre avoir un impact permanent sur l’aptitude à la conduite. Une étude récente montre que les consommateurs réguliers, même sans qu’il soit question de consommation excessive, respectent moins les règles de la circulation et « zigzaguent » plus. Ceci vaut en particulier pour les conducteurs qui consomment du cannabis dès leur plus jeune âge, soit avant 16 ans (Dahlgren et al., 2019).

Les effets du cannabis sur l’aptitude à la conduite dépendent de la quantité consommée. La capacité à suivre un véhicule et le temps de réaction sont d'autant plus altérés que la quantité consommée augmente. (Hartman & Huestis, 2013). En cas de faibles quantités (±7 mg THC; environ un tiers de joint), les aptitudes automatiques à la conduite sont affectées, comme le fait de suivre un véhicule et maintenir la même position sur la bande de circulation. Les aptitudes complexes à la conduite qui requièrent une attention consciencieuse comme réagir correctement à une situation inattendue ne sont altérées qu’après consommation de doses élevées (Sewell et al., 2009). Lorsque la prise de cannabis est combinée à la consommation d’alcool, l’impact négatif sur l’aptitude à la conduite augmente ; les conducteurs « zigzaguent » davantage (Hartman & Huestis, 2013). La combinaison alcool-cannabis fait que les conducteurs ne sont plus en état de compenser les effets négatifs sur leurs prestations de conduite (Verstraete et al., 2014) si bien qu’ils ne sont par exemple plus en mesure de réagir adéquatement face à des événements inattendus (Sewell et al., 2009). 

Risque d’accidents


Le risque d’être impliqué dans un accident grave ou mortel est plus élevé chez un conducteur qui est sous l’emprise du cannabis que chez un conducteur qui n’en a pas consommé. De surcroît, le cannabis combiné à l’alcool accroît davantage le risque d’accident que le cannabis consommé seul (Hartman & Huestis, 2013). Des études épidémiologiques montrent que le risque d’être impliqué dans un accident grave ou mortel double après avoir consommé du cannabis par rapport aux automobilistes qui n’en ont pas consommé (Asbridge et al., 2012; Li et al., 2013; Meesmann et al., 2011). Selon une récente étude française, le risque de causer un accident mortel est 1,65 fois plus élevé chez un conducteur se trouvant sous l’influence du cannabis (Martin et al., 2017).

Amphétamines (speed, ecstasy, MDMA…)

Effet sur l’aptitude à la conduite


Le speed et l'ecstasy sont des drogues de type amphétamine. Ils ont un effet stimulant et euphorique. La structure chimique de la MDMA est similaire à celle du speed et de l'ecstasy. La MDMA a un effet à la fois stimulant et hallucinogène. La consommation de drogues de type amphétamine amène une plus grande confiance en soi. Les consommateurs prennent par conséquent plus de risques. De plus, ces drogues réduisent la fatigue et augmentent la vigilance et l'énergie physique. La période d'euphorie est suivie d'une phase d'épuisement et de dépression pouvant durer plusieurs heures voire plusieurs jours. (Marillier & Verstraete, 2019; Musshoff & Madea, 2012). La consommation d’amphétamines peut avoir des effets positifs et négatifs sur l’aptitude à la conduite (Verstraete et al., 2014). Parmi les effets positifs des amphétamines sur les capacités de conduite, citons une vigilance accrue, une amélioration de l’attention partagée et de l’interaction verbale et moins de « zigzags » sur la chaussée (Simons et al., 2012; Veldstra et al., 2012). Côté effets négatifs, plus de difficultés à maintenir une vitesse et distance constantes avec le véhicule qui précède (Verstraete et al., 2014). Les effets positifs sont limités dans le temps. Lors de la phase de descente, les amphétamines ont un effet négatif sur l’aptitude à la conduite : fatigue, concentration diminuée, sentiments d’anxiété et de dépression (Musshoff & Madea, 2012).

Les effets aigus décrits ci-dessus sont généralement perceptibles jusqu’à environ trois heures après la prise d’amphétamines. En cas de consommation chronique d’amphétamines, des troubles des fonctions cognitives apparaissent, ainsi qu’une impulsivité accrue et des sentiments dépressifs (Marillier & Verstraete, 2019). Une étude comparative entre un groupe de consommateurs chroniques d’amphétamines et un groupe de contrôle montre que les consommateurs chroniques dépassent plus souvent les limitations de vitesse et zigzaguent davantage sur la chaussée (Bosanquet et al., 2013).

Les effets des amphétamines sur l’aptitude à la conduite dépendent aussi de la quantité consommée. De faibles doses d’amphétamines (±30 mg d’amphétamine) peuvent améliorer les prestations de conduite étant donné que les conducteurs sont plus alertes mais cela ne dure que lors de la première phase d’euphorie. En revanche, de fortes doses ont toujours des effets néfastes, les conducteurs vont prendre plus de risques et sont moins en mesure de réagir correctement face à des situations inattendues (Gjerde et al., 2015). À l’instar du cannabis, combiner plusieurs substances a un effet encore plus désastreux sur les prestations au volant. Quand la prise d’amphétamines est combinée à la consommation d’alcool, les conducteurs brûlent plus souvent le feu rouge que ceux qui consomment uniquement des amphétamines. Les conducteurs qui sont sous l’influence de l’alcool vont davantage zigzaguer et respectent moins les distances de sécurité avec le véhicule qui les précèdent. Les prestations de conduite des conducteurs sous l’influence de l’alcool ne sont pas modifiées par la prise d’amphétamines. Ceci indique que les effets stimulants des amphétamines ne suffisent pas à compenser les effets dévastateurs de l’alcool (Simons et al., 2012). Par ailleurs, l’alcool peut renforcer les effets néfastes de la MDMA voire en induire d’autres (Verstraete et al., 2014).

Risque d’accidents


Selon un article de synthèse récent, parmi tous les types de drogues étudiés, le risque est le plus élevé après la consommation d'amphétamines. (Marillier & Verstraete, 2019). Le risque d’avoir un accident de la route avec un conducteur sous l’influence d’amphétamines est cinq à trente fois plus élevé en par rapport à un conducteur clean (EMCDDA, 2012). Ce risque accru correspond à celui auquel s’expose un conducteur sous l’influence de l’alcool ayant une alcoolémie entre 0,8 et 1,2 pour mille. Dans le cadre du projet européen DRUID (Driving under the Influence of Drugs, Alcohol and Medicines) des données ont été rassemblées et calculées en 2009 selon lesquelles le risque d’accident avec blessé grave est 14 fois plus élevé après la prise d’amphétamines que pour un conducteur clean. Lorsque les amphétamines sont combinées avec l’alcool, le risque d’accident est encore plus important, même jusqu’à 40 fois plus grand (Hels et al., 2013). Ces résultats diffèrent considérablement de ceux issus de l’étude expérimentale commentés ci-dessus. Cela peut s’expliquer par le fait que les concentrations d’amphétamines constatées chez les conducteurs grièvement blessés ou tués étaient particulièrement élevées par rapport à celles administrées dans le cadre de l’étude expérimentale (EMCDDA, 2012).

Cocaïne

Effet sur l’aptitude à la conduite

Les effets positifs de la cocaïne s’apparentent à ceux des amphétamines. La cocaïne a globalement un effet stimulant. Les effets de la cocaïne se font ressentir plus tard et durent plus longtemps que ceux des amphétamines (Marillier & Verstraete, 2019). Il ressort d’une étude expérimentale que la cocaïne améliore certaines fonctions psychomotrices et que le temps de réaction des personnes-tests diminue. Vu le temps de réaction réduit, l’on commet plus de fautes (Van Wel et al., 2013). Des résultats d’enquête indiquent que les effets aigus de la cocaïne altèrent peu ou pas les prestations au volant. Néanmoins, la consommation chronique de cocaïne a un effet néfaste sur l’aptitude à la conduite. Une consommation chronique de cocaïne entraîne un comportement plus impulsif et plus risqué (Verstraete et al., 2014).

Risque d’accidents


Le risque d’accident chez un conducteur sous l’emprise de la cocaïne est deux à dix fois plus élevé que chez un conducteur clean (EMCDDA, 2012). Ce risque correspond quasiment à celui auquel est exposé un conducteur ayant une alcoolémie située entre 0,5 et 0,8 pour mille. Combiner cocaïne et alcool ou une autre drogue accroit une fois encore le risque d’être impliqué dans un accident de la circulation (Marillier & Verstraete, 2019).

Opiacés (morphine, héroïne…)

Effet sur l’aptitude à la conduite


Les opiacés sont un groupe de drogues qui sont structurellement ou pharmacologiquement liés à la morphine. La plupart des opiacés ont un effet principalement analgésique. L'héroïne appartient à la catégorie des opiacés. Sa consommation entraîne une montée d’euphorie. Le consommateur alterne un état de veille et un état de somnolence. (Marillier & Verstraete, 2019). Aucune étude expérimentale récente n'a été menée sur l'effet de l'héroïne sur l'aptitude à la conduite. Verstraete et ses collègues concluent dans un article de synthèse que les opiacés ont un effet modéré sur les capacités cognitives et psychomotrices. Ces effets dépendent du type d'opiacé consommé. (Verstraete et al., 2014).

Risque d’accidents


Un conducteur sous l’influence d’opiacés court deux à dix fois plus de risques d’être impliqué dans un accident grave ou mortel (EMCDDA, 2012). Selon une méta-analyse au cours de laquelle les résultats de différentes études ont été regroupés, on estime que le risque d’être impliqué dans un accident mortel est 1,7 fois plus élevé après la consommation d’opiacés. On estime qu’un conducteur sous l’emprise d’opiacés court 1,9 fois plus de risques d’être impliqué dans un accident avec blessés graves (Elvik, 2013).

A quelle fréquence les conducteurs prennent-ils la route sous l’influence de drogues ? 

Road side surveys

Des études expérimentales permettent de déterminer si certaines aptitudes à la conduite sont affectées par la consommation de drogues. L'une des principales limites de ces recherches expérimentales est que les doses administrées sont généralement inférieures à celles consommées par les toxicomanes. Par conséquent, ces recherches ne sont pas toujours adaptées pour déterminer l'impact actuel des drogues sur la sécurité routière. C'est pourquoi il est important de compléter les résultats de la recherche expérimentale avec, entre autres, des études le long de la route (road side surveys), lesquelles peuvent être utilisées pour obtenir une image objective de la consommation de drogues dans la population générale des conducteurs. (Gjerde et al., 2015). Dans les road side surveys, des échantillons sont analysés, appartenant à des conducteurs arrêtés au hasard (Marillier & Verstraete, 2019).

La plus grande étude européenne sur la prévalence des drogues illicites dans la population générale de conducteurs remonte au projet DRUID (Driving under the Influence of Drugs, Alcohol and Medicines; 2007-2009). La prévalence moyenne de la conduite sous l’influence de drogues a été estimée à 1,9% dans 13 pays européens. On a estimé que ce pourcentage était de 0,64% en Belgique, ce qui est nettement plus bas que la moyenne européenne. A l’époque, le cannabis était la drogue la plus consommée tant en Belgique que dans les  autres pays d’Europe au sein de la population générale de conducteurs (Houwing et al., 2011). Ces chiffres se basent sur des mesures réalisées il y a plus de dix ans. Il est donc urgent de disposer de chiffres plus récents sur la prévalence en Belgique et dans tous les pays d’Europe.

Une road side survey norvégienne réalisée en 2016 et en 2017 auprès de plus de 5000 conducteurs est arrivée aux mêmes résultats que les chiffres de prévalence européens obtenus dans le cadre du projet DRUID. La prévalence de la conduite sous l’influence de drogues illicites a été estimée à 1,7%. Avec une prévalence d’1,3%, le cannabis était encore la drogue illicite la plus fréquemment consommée (Furuhaugen et al., 2018).

L'estimation des chiffres de prévalence est influencée, entre autres, par l’heure à laquelle le mesurage est réalisé et l'âge des conducteurs. Selon une road side survey menée en 2014 auprès de plus de 2 000 conducteurs, la prévalence de la conduite sous l'influence de drogues était de 10 %.

L'étude a été réalisée le soir et la nuit entre 21 heures et 3 heures du matin, ce qui suggère que la conduite sous l'influence de drogues est plus fréquente à ces heures. De plus, le taux des conducteurs dont le test de dépistage des drogues illicites s'est révélé positif a augmenté à mesure que l'heure de l'étude tombait plus tard dans la nuit. Le cannabis est à nouveau la drogue la plus fréquemment détectée, suivie par les amphétamines, la cocaïne et les opiacés. Enfin, il convient de noter que le taux pour la conduite sous l'influence de drogues pour les conducteurs âgés de 19 à 24 ans était de 21%. Dans ce groupe de conducteurs, la conduite sous l'influence de drogues était plus fréquente que la conduite sous l'influence de l'alcool, 3,4 % des conducteurs étaient positifs à l'alcool. (Beirness et al., 2015).

Comportement auto-rapporté

Les chiffres récents auto-rapportés au sujet de la conduite sous l’influence de drogues en Belgique et en Europe sont issus du projet ESRA (E-Survey of Road users’ Attitudes). Il ressort du questionnaire international que 7% des Belges indiquent, au cours des 30 derniers jours, avoir pris le volant une heure après avoir consommé des drogues (autres que médicaments). Ce comportement à risque est rapporté dans une plus large mesure par les automobilistes belges que les par automobilistes européens (5%) (Achermann Stürmer et al., 2019). Le

Tableau 1 représente un aperçu du comportement à risque auto-rapporté des automobilistes au cours des 30 derniers jours en matière de conduite sous l’influence de drogues en Belgique et dans les pays étrangers. A titre de comparaison, les chiffres auto-rapportés pour conduite sous l’influence de l’alcool sont également représentés.

Tableau 1 : Comportement à risque auto-rapporté en tant qu’automobiliste pour conduite sous l’influence de drogues et d’alcool en Belgique et dans les pays voisins (au cours des 30 derniers jours).

Source: Achermann Stürmer et al., 2019.

Que dit la loi à propos de la conduite sous l’influence de drogues ?

La consommation de drogues n'est pas sanctionnée par la loi belge. La possession de drogues, en revanche, est considérée comme une infraction. La possession de drogues est punissable avec une amende ou une peine d'emprisonnement (de trois mois à cinq ans). En pratique, la possession de cannabis n'est généralement pas maintenue à moins que l'ordre public ne soit perturbé (par exemple, par la possession de cannabis dans un environnement scolaire). (EMCDDA, 2019).

Dans le contexte de la circulation, la constatation de la conduite sous l'influence de drogues et de l'alcool peut être abordée à partir de différents cadres législatifs : (1) la législation basée sur la constatation du comportement d'une personne sous l'influence de drogues ; (2) la législation basée sur le dépassement d'une limite fixée pour les substances psychoactives dans le corps ; et (3) la législation correspondant à la tolérance zéro. Différentes approches combinées sont également possibles.

Législation comportementale

La législation basée sur l'identification des signes du comportement de la personne sous l'influence des drogues exige que chaque conducteur soit évalué individuellement pour déterminer si son aptitude à la conduite a été altérée par la consommation de drogues. Comme l'évaluation individuelle de chaque conducteur doit toujours être réalisée par un médecin ou un policier qualifié, cette approche est coûteuse, longue et même, dans une certaine mesure, subjective. (Marillier & Verstraete, 2019; Solomon & Chamberlain, 2014). Si une analyse des substances corporelles a lieu dans un laboratoire, elle vise uniquement à indiquer la cause de l'inaptitude à la conduite.

Législation « Per se » : limites non-nulles

Une législation « per se » fixe une limite pour les substances psychoactives dans le corps du conducteur. Le conducteur est sanctionné dès le moment où cette limite est dépassée. La limite établie correspond à une concentration de drogues altérant l'aptitude à la conduite de la plupart des conducteurs ou à une concentration de drogues correspondant à un risque accru d'accident. (Bondallaz et al., 2016; Solomon & Chamberlain, 2014). En Norvège, un tel cadre juridique a été élaboré fixant des niveaux d'intoxication correspondant au même risque d'accident que lorsqu'un conducteur conduit avec une alcoolémie de 0,2, 0,5 ou 1,2 pour mille. (Vindenes et al., 2012).

Cependant, la possibilité de fixer de telles limites ne fait pas l'unanimité. Certains chercheurs affirment que ces limites sont incapables de déterminer l'altération de l'aptitude à la conduite en raison de facteurs divers, tels que l'expérience de l'utilisateur avec les drogues et l'absence de relation cohérente entre la concentration de drogues dans le corps et l'altération de l'aptitude à la conduite. (Marillier & Verstraete, 2019).

Tolérance zéro

Dans la législation « per se » basée sur la tolérance zéro, aucune concentration de substances psychoactives n'est en principe autorisée dans l’organisme du conducteur. Cela signifie que le conducteur est punissable dès qu'une quantité détectable d'une substance psychoactive est trouvée dans son organisme. (De Boni et al., 2017). En pratique, une valeur limitée est fixée pour diverses substances psychoactives. Si ce seuil est dépassé, on peut établir avec certitude que la substance psychoactive est présente dans l'organisme du conducteur. (Marillier & Verstraete, 2019).

Situation belge

En Belgique, on applique une législation comportementale combinée à une législation basée sur la tolérance zéro. Les constatations en matière de drogues dans la circulation sont réalisées en Belgique par les services de police compétents. Les personnes suivantes peuvent être soumises à un contrôle de drogues dans la circulation  (Van Thienen, 2019):

  • L'auteur présumé d'un accident de la circulation ou toute personne qui pourrait l'avoir causé (y compris un piéton ou un passager) ;
  • Quiconque conduit un véhicule ou une monture sur la voie publique dans un lieu public en vue d'apprentissage ;
  • Quiconque s’apprête à conduire ou à accompagner un véhicule ou une monture dans un lieu public.

 

La constatation judiciaire de la consommation de drogues dans la circulation en Belgique s'effectue en trois étapes successives. Ce n'est que lorsqu'une phase est positive que l'on peut passer à la phase suivante (Van Thienen, 2019).

1) La constatation de signes apparents de consommation récente de drogues à l’aide de la check-list : les signes de consommation récente de drogues sont déterminés à l'aide d'une check-list standardisée. Si au moins trois signes concernent au moins deux catégories différentes (yeux, visage, comportement, état d'esprit, langage, démarche et autres) sont indiqués, on passe à l'étape suivante. En cas d'accident de la circulation, on ne procède pas à la liste de contrôle standardisée et on passe directement à la phase suivante. Cette première phase de la constatation judiciaire en Belgique correspond à un cadre juridique basé sur l'établissement de signes du comportement sous l'influence de drogues.

2) Le test salivaire : le test salivaire permet de déterminer dans un premier temps si la personne contrôlée est intoxiquée ou non à une quantité de drogue punissable. En principe, le législateur applique la tolérance zéro pour conduite sous l'influence de drogues. Dans la pratique, cependant, un seuil technique est utilisé pour déterminer avec certitude l'intoxication par la drogue. Cette approche correspond à la législation « per se » basée sur la tolérance zéro pour conduite sous l'influence de drogues.

Ce test est actuellement réalisé par le biais d’un DrugCheck 3000 de la firme Draeger. Ce test doit être commandé auprès du SPF Justice. La personne contrôlée est positive lorsque le seuil est dépassé.

3) L’analyse salivaire : lors de l’analyse salivaire, un échantillon de salive de la personne contrôlée est transmis à un laboratoire agréé. Le résultat de cette analyse salivaire fournit la preuve juridique que l’individu conduisait sous l’influence de drogues.

Quelles mesures peuvent être prises pour lutter contre la conduite sous l'influence de drogues ? 

Mise en vigueur

On-site screening

Afin de constater et de sanctionner la conduite sous l'influence de drogues, un dépistage rapide et efficace sur le terrain est nécessaire. Diverses substances biologiques peuvent être utilisées pour constater la conduite sous l'influence de drogues, notamment l'urine, le sang et la salive. La première substance biologique utilisée pour diagnostiquer la conduite sous l'influence de drogues est l'urine. Malgré la grande précision avec laquelle les drogues peuvent être dépistées dans l'urine, cette méthode présente plusieurs inconvénients pratiques. En effet, des installations sanitaires doivent être présentes dans la zone où le dépistage est effectué afin de garantir l'intimité des conducteurs contrôlés. Cet aspect lié au respect de la vie privée facilite également la falsification des échantillons d'urine. Un autre inconvénient est que certaines drogues, comme le THC, sont plus longtemps détectables dans l'urine. Par conséquent, le dépistage urinaire n'indique pas toujours la consommation récente de drogues. En outre, l'urine n'offre pas de garantie quant à la mesure dans laquelle l'aptitude à la conduite était altérée au moment du contrôle. L'utilisation de l'urine comme méthode de dépistage n'est donc pas très adaptée pour effectuer des constatations dans la circulation. (Canadian Centre on Substance Use and Addiction, 2018).

Le prélèvement sanguin peut être considéré comme la meilleure solution pour identifier les drogues dans la circulation, car la présence de drogues dans le sang est la meilleure indication d'une altération de l'aptitude à la conduite et d'une consommation récente de drogues. (De Boni et al., 2017). Cependant, avec la consommation de cannabis, la concentration de THC dans le sang diminue rapidement. Par conséquent, la concentration de THC dans le sang au moment du contrôle n'est souvent plus représentative de la mesure dans laquelle l'aptitude à la conduite a été altérée. Pour les consommateurs occasionnels, la présence de THC dans le sang est une indication d'un usage récent. En revanche, chez les consommateurs fréquents, la trace de THC dans le sang reste plus longtemps, même après la période d'altération de l'aptitude à la conduite. (Armentano, 2013). D’un point de vue pratique, le prélèvement d’un échantillon sanguin sur le terrain est une opération invasive car elle doit être effectuée par du personnel médical (Canadian Centre on Substance Use and Addiction, 2018). Ce personnel médical doit souvent venir sur place lors du contrôle pour procéder au prélèvement sanguin, ce qui accroit le laps de temps entre le contrôle et la prise de sang.

Par conséquent, pour des raisons pratiques, les méthodes de dépistage salivaire sont devenues la norme dans ce domaine ces dernières années. La salive peut être prélevée assez rapidement et facilement sans la présence d'installations sanitaires ou de personnel médical. La présence de drogues dans la salive est également une indication de consommation récente. (Marillier & Verstraete, 2019). Le fait de fumer ou de sniffer des drogues fait qu'elles restent excessivement présentes dans la cavité buccale et par conséquent dans la salive du consommateur. Cependant, la concentration de drogues dans la salive n'est pas représentative du degré d'intoxication du conducteur. (Canadian Centre on Substance Use and Addiction, 2018).

Un aperçu bref des avantages et des inconvénients des différentes substances biologiques pour constater la consommation de drogues dans la circulation est représenté dans le tableau 2.

Tableau 2 : Aperçu des avantages et des inconvénients des différences substances biologiques pour dépister la consommation de drogues dans la circulation routière.

Sanctions


En Belgique, lorsqu'un conducteur est découvert sous l'emprise de drogues, une citation à comparaître est immédiatement délivrée. (c'est-à-dire une citation écrite à comparaître devant le tribunal). Les sanctions suivantes sont possibles dans le cadre d’une première condamnation (Van Thienen, 2019):

  • Une amende de € 1.600 à € 16.000 ;
  • Une déchéance du droit de conduire de huit jours à cinq ans maximum ;
  • Le suivi d’examens médicaux, psychologiques, théoriques et pratiques et toutes les combinaisons possibles.

 

Mesures de réintégration


Outre les sanctions traditionnelles telles qu'une amende et une interdiction de conduire, les conducteurs qui conduisent sous l'influence de drogues peuvent également faire l'objet d'une mesure éducative sur décision de justice. Dans le cadre d'un cours de réintégration, les participants sont sensibilisés au risque de conduire sous l'influence de drogues. On tente ainsi d'induire chez eux un changement de comportement qui entraîne une réduction de la récidive. Ces cours ont déjà prouvé leur efficacité dans le contexte de la conduite sous l'influence de l'alcool. (Nieuwkamp & Boudry, 2020; Slootmans et al., 2017). L’efficacité des cours de réintégration pour conduite sous l’influence de drogues doit encore être profondément évalué car ces initiatives sont relativement récentes. 

Sensibilisation et prévention

La sensibilisation combinée à la mise en application constitue généralement une approche efficace. Sensibiliser les usagers de la route aux dangers de la conduite sous l'influence de drogues et à l'impact sur la sécurité routière peut contribuer à prévenir les comportements à risque. Des messages de sensibilisation à la conduite sous l'emprise de drogues peuvent être adressés au grand public, aux consommateurs de drogue et aux        jeunes. Étant donné que la consommation de drogues est plus fréquente chez les jeunes, il est intéressant d'axer les campagnes de sensibilisation sur ce groupe cible. Les jeunes peuvent être informés des dangers de la conduite sous l'emprise de la drogue à l'école ou dans le cadre de la formation à la conduite. (ETSC, 2017). Peu de campagnes de prévention sur la consommation de drogues ont été évaluées en détail. Une campagne a été lancée en 2015 au Royaume-Uni visant à informer les conducteurs d’une nouvelle législation en matière de conduite sous l’influence de drogues. La campagne était spécifiquement adressée aux jeunes de 17 à 34 ans. Il est ressorti de l’évaluation de la campagne que la prise de conscience des répercussions de la conduite sous l’influence de drogues était passée de 45% avant la campagne à 51% après la campagne (Department for Transport, 2015).

Autres sources d’information

Ces articles donnent plus d’informations sur l’impact des drogues illicites sur la sécurité routière. D’une part les effets des drogues illicites sur l’aptitude à la conduite sont étudiés dans des études expérimentales. D’autre part, le risque d’accidents chez les conducteurs sous influence est abordé..

  • Verstraete, A. G., Legrand, S.-A., & European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction. (2014). Drug use, impaired driving and traffic accidents. Publications Office of the European Union.
  • Strand, M. C., Gjerde, H., & Mørland, J. (2016). Driving under the influence of non-alcohol drugs — An update. Part II: Experimental studies. Forensic Science Review, 28(2), 80–101.
  • Gjerde, H., Strand, M. C., & Mørland, J. (2015). Driving under the influence of non-alcohol drugs - An update part I: Epidemiological studies. Forensic Science Review, 27(2), 89–113.
  • Elvik, R. (2013). Risk of road accident associated with the use of drugs: A systematic review and meta-analysis of evidence from epidemiological studies. Accident Analysis and Prevention, 60, 254–267. https://doi.org/10.1016/j.aap.2012.06.017

Ce rapport donne plus d’informations sur l’étude le long de la route menée dans le cadre du projet DRUID.

  • Houwing, S., Hagenzieker, M., Mathijssen, R., Bernhoft, I. M., Hels, T., Janstrup, K., Van der Linden, T., Legrand, S.-A., & Verstraete, A. (2011). Prevalence of alcohol and other psychoactive substances in drivers in general traffic Part I: General results. DRUID (Driving under the Influence of Drugs, Alcohol and Medicines). 6th Framework programme. Deliverable 2.2.3 Part I.

L'article donne un aperçu des différentes approches juridiques de la conduite sous l'influence de drogues. Le manuel donne un aperçu du cadre juridique en vigueur en Belgique pour constater la présence de drogues dans la circulation. 

  • Watson, T. M., & Mann, R. E. (2016). International approaches to driving under the influence of cannabis: A review of   evidence on impact. Drug and Alcohol Dependence, 169, 148–155. https://doi.org/10.1016/j.drugalcdep.2016.10.023
  • Van Thienen, B. (2019). Verkeer op punt: drugsprocedure. INNI    publishers.     

Dans cet article de synthèse, outre une discussion sur les différents aspects du problème de la conduite sous l'influence de drogues, on trouve un aperçu des différentes mesures.

  • Marillier, M., & Verstraete, A. G. (2019). Driving under the influence of drugs. WIREs Forensic Science, 1(3), 13–26. https://doi.org/10.1002/wfs2.1326

Close

      Vias institute souhaite utiliser des cookies sur son site web pour améliorer (cookies fonctionnels) et analyser (cookies analytiques) votre navigation. En cliquant sur « J'accepte », vous acceptez l'utilisation de ces cookies à ces fins. Cependant, vous pouvez ajuster vos préférences en matière de cookies via le bouton « Régler vos préférences ». Nous utilisons également des cookies qui sont nécessaires au fonctionnement du site web et que vous ne pouvez pas refuser. Vous trouverez plus d'informations sur nos cookies dans notre règlement relatif à la vie privée.

          Vous trouverez plus d'informations sur nos cookies dans notre règlement relatif à la vie privée.

          Ces cookies sont nécessaires au fonctionnement du site web et ne peuvent pas être désactivés.
          Ces cookies augmentent le confort d’utilisation d'un site web en mémorisant vos choix (p. ex. préférences linguistiques, région, login).
          Ces cookies recueillent des données sur la performance d'un site web comme le nombre de visiteurs ou le temps que les visiteurs passent sur une page web.

          Ces cookies peuvent être placés par les annonceurs sur notre site web. Ils peuvent être utilisés par ces entreprises pour établir le profil de vos intérêts et vous montrer des annonces pertinentes sur ce site web ou d'autres sites web. Ils ne stockent pas directement d'informations personnelles, mais ils sont basés sur des identifiants uniques de votre navigateur et de votre dispositif Internet. Si vous n'autorisez pas ces cookies, vous verrez moins de publicités qui vous sont destinées.